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Mélange Français
19 février 2007

Une profiterole magique

image012Le choix

Nous avons choisie comme thème une histoire fantastique, à partir de l’image d’un chariot qui emmenait une famille à la recherche d'un monde meilleur.

L'objectif

Elaborer et écrire un récit en respectant des contraintes orthographique, syntaxiques, lexicales et de présentation. Apprendre du vocabulaire nouveau et plus précis et surtout... Se divertir.

Déroulement et modalités de travail:
Seq1 : Identifier les caractéristiques d’un conte
Seq2 : le passé simple  - les pronoms – les compléments circonstanciels –vocabulaire imagé
Seq3 : Ecriture du conte
Seq4 : Finalisation – Correction -  Mise en page – Illustration
Seq5 : Edition et présentation

Chacun de nous a fait part de ses idées quelles qu’elles soient, sans aucune censure personnelle ou du groupe. Ces idées étaient éventuellement reprises et enrichies. Ont également collaboré à ce conte par leur imagination et leurs mots nos amis Eva, Lise, Gotzón, Raymond, Emma, Nubia et Kathy.

Le résultat

Profitez bien de la lecture de notre conte... quant à nous, nous avons beaucoup profité lors de sa création et sa production...

Retour à l'index...

                                                                                                                                                               

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une profiterole magique

S’il y avait une réponse,
c’est là qu’ils la trouveraient…

Il était une fois une famille qui fuyait à la recherche du bonheur.

Elle venait d’un paisible petit village qui était perché sur une immense falaise au pied de laquelle se fracassaient d’énormes vagues. Jadis la vie s’y déroulait paisible et douce mais en un instant tout avait changé…

Depuis quelques temps le village était devenu un endroit hostile où les habitants, autrefois heureux et aimables, étaient tombés dans un état de malheur incompréhensible.

Le jour funeste où le malheur éclata sourdement contre la commune, Pécheron se trouvait au bord de la falaise venteuse, regardant la houle frapper furieusement les rochers. Ses pensées l’avaient transporté vers d’autres paysages quand il sursauta vivement au son des cris désespérés de sa femme Patie. Il essaya de discerner les mots charriés par les rafales de vent:

-La pâtisserie est en feu ! J’ai mis le feu à la pâtisserie, Quel malheur ! hurlait-elle de tous ses poumons.

Il entendit finalement des mots dont le sens lui échappait. Pâtisserie ? Feu ? C’était  insensé ! Alors que sa femme atteignait le sommet de la falaise, il ouvrit les bras et Patie s’y jeta comme dans un ultime refuge. Il la serra bien fort en silence. Les enfants, Airi et Traviss, qui jouaient non loin de là, accoururent inquiets…

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Le drame, la calamité, le fléau, - quels mots pourraient décrire un tel malheur ? - avait commencé le jour où une vieille femme, à l’allure voyageuse, était apparue comme par magie dans la paisible petite bourgade.

Elle était habillée d’un long manteau pourpre qui faisait penser aux majestueux rideaux du château qui s’élevait dans le lointain. Son visage reflétait de tristes et sombres sentiments comme un grand malheur menaçant.

Après quelques pas hésitants, elle s’était dirigée vers la pâtisserie d’où provenait un joyeux brouhaha. patisserie_3

Elle était entrée lentement, attirée par le rire des villageois et la délicieuse présentation des friandises exposées en devanture. L’ambiance de l’échoppe était gaie et les acheteurs chaleureux, l’étrange femme n’avait jamais imaginé que puisse exister autant de joie.

Son cœur s’était douloureusement serré et la rage avait défiguré un visage où était encore esquissée une première expression d’étonnement.

Il s’agissait, en effet, d’une fée maléfique et malfaisante que la sensation de bonheur enflammait, lui dévorant les entrailles. Sa chevelure revêche, à cet instant, s’était embrasée de flammes rougeoyantes qui s’étaient confondues avec sa tunique diabolique.

Les villageois avaient senti soudain une présence menaçante. Ils s’étaient tus et retournés vers la nouvelle venue qui avait retrouvé son aspect imposant et un visage figé sur une expression d’aimable innocence.

Patie la pâtissièla_fee_malignere s’était dirigée vers elle avec un sourire engageant :

- Bonjour, Madame, quelle belle pèlerine vous avez là ! Etes-vous de passage ? Voulez vous quelque gâteau pour fêter votre arrivée dans notre joli et aimable village ?

- La vieille fée avait répondu avec un petit rire hypocrite qui sonnait comme une cloche fêlée.

- Merci, belle dame pâtissière, je vais en effet goûter une de vos succulentes profiteroles baignées de chocolat chaud. Mais puis-je aussi quérir la raison de si joyeuse célébration ?        image006

La pâtissière avait répliqué, tout étonnée :

- Aucune, ma bonne ne dame, c’est dans notre nature d’être heureux !

La pâtissière s’était retournée vers l’étale où elle avait choisi la plus grosse et meilleure profiterole recouverte d’un chocolat épais et moelleux.

La fée avait commencé à dévorer le délicat chou de ses dents pointues et le chocolat avait jailli violemment, coulant le long de ses doigts tordus. La marchande avait dévisagé l’étrange femme avec étonnement et les villageois s’étaient retournés ; dégoût et inquiétude s’étaient dessinés sur leur visage.

Peu après, la vieille dame était sortie si violemment que son manteau avait produit un fort courant d’air qui avait soulevé les chapeaux des dames, les toupets des messieurs et même les jupons des petites filles apeurées.

La porte avait alors claqué brutalement.

sombrero_brujaLa fée maligne s’était éloignée, méditant sur la manière de réduire à néant un tel bonheur. Elle virevoltait vers la montagne quand tout à coup lui était venu à l’esprit la façon de faire disparaître le sourire de ces visages heureux qu’elle avait entrevus.

Elle s’était alors posée sur le flanc de la montagne, avait sorti sa baguette magique en un geste majestueux et l’avait agitée frénétiquement tout en prononçant des mots incompréhensibles, accompagnés d’un rire maléfique.

Une odeur désagréable parcourut subitement le village. Une ambiance de détresse envahit les petites rues.

Les passants regardèrent autour d’eux essayant de discerner l’origine de cette mystérieuse effluve qui les pénétrait jusqu’aux os. Une légère brume grise et fétide émanait de la pâtisserie, se faufilant sous la porte qui s’ouvrit brusquement et d’où sortirent en courant un groupe de paysans, une expression de dégoût plaquée sur le visage.

exclamacionLes personnes aux alentours s’approchèrent du magasin, attirées par l’odeur, voulant comprendre l’origine de ces circonstances inhabituelles. Les enfants, pendant ce temps, continuaient à jouer joyeusement, immunes à la fétidité ambiante, tandis que leurs mères, accablées, couraient dans tous les sens, les appelant pour qu’ils rentrent chez eux.

Les petits commencèrent alors à s’affoler devant le spectacle navrant des grandes personnes aux yeux rouges et exorbités, d’habitude si rassurantes, qui essayaient de détruire tout ce qui se trouvait sur leur passage ; d’ailleurs la crémerie et l’étale du bon Jacques étaient déjà en feu. Mais, comme l’odeur persistait, le peuple en folie  se précipita vers la pâtisserie cherchant la source de cette voie lactée nauséabonde - il faut noter ici que toutes les profiteroles avaient disparu.

La foule stupéfaite découvrit avec horreur la condition de désolation quimujeres_corriendo régnait dans la pâtisserie et se rendit compte que les relents brumeux, cause de tous ces maux, émanait - oh ! tristesse suprême ! - des gâteaux mêmes.

Le maire, d’habitude bon enfant, pris d’une frénésie incontrôlable, empoigna la pâtissière au cou de ses deux robustes mains de paisible paysan.

- Pâtissière, Pâtissière, dites-moi, qu’avez-vous fait ? Vous êtes la coupable de ce tumulte et de nos malheurs …

-Mes profiteroles, ils ont volé mes profiteroles, balbutiait Patie éperdue, face à la communauté en délire.

-Brûlons la pâtisserie !!!  hurla alors la foule en délire.

patiserrie_incendioPatie se retourna, hébétée, et après avoir allumé elle-même une torche au fourneau, la lança avec vigueur, mettant le feu à sa raison de vivre. Mais devant les flammes qui embrasèrent l’échoppe en un instant, elle réagit soudain, incrédule face à son geste barbare. Dans un dernier sursaut  de lucidité, elle se rappela que son mari était parti se promener sur la falaise. Elle courut le rejoindre, sombrant dans la folie, anéantie par le désespoir et la douleur.

  -La pâtisserie est en feu…la pâtisserie est en feu… quel malheur ! se lamentait-elle tout au long du chemin escarpé.

Non loin de là, pendant ce temps, la fée terminait d’engloutir la dernière profiterole tout en contemplant de manière satisfaite le résultat de son dessein machiavélique.
      
Elle décida alors de quitter les lieux sur le champ, rassemblant sous elle sa cape pourpre et monumentale d’un geste spacieux comme si elle voulait achever de balayer la dernière trace de bonheur du petit village. Imbue de son pouvoir et de forces renouvelées, elle s'évapora en soulevant un nuage noir menaçant au moment même où Patie se jetait dans les bras protecteurs de son mari sous le regard inquiet de ses enfants. image010

Pécheron serra sa femme dans ses bras pour la calmer. Les enfants qui étaient accourus s’accrochaient maintenant aux jambes de leurs parents, sans comprendre le pourquoi de tant de remue-ménage.

L’esprit de Pécheron se fourvoyait dans le labyrinthe d’une situation qu’il ne comprenait pas. La vision, au loin, du village aux toits en feu et des villageois qui escaladaient les pentes de la falaise, groupés derrière le maire, comme une meute d’animaux pris de panique et de rage sentant un péril imminent, ne faisait qu’augmenter son malaise. Les paysans couraient maintenant en débandade et hurlaient en direction de la famille apeurée. Les femmes, relevant haut leurs jupons encombrants, avaient perdu toute pudeur.

- Allez-vous-en ! Partez ! Vous êtes la cause de nos malheurs !  mugissait la foule.

Les hommes étaient armés de gourdins de bois qu’ils brandissaient menaçants, les femmes ramassaient des cailloux sous leurs pieds et les dressaient d’un poing provocant. Le maire essaya de calmer la foule en délire et s’adressa à la famille enlacée :

        -Vous devez déguerpir  tout de suite !

gentio_2-Pourquoi… ? Quelle est notre faute… ? riposta d’une voix qui se voulait ferme le chef de famille.

-Parce que la pâtisserie de Patie est la source des effluves portant le sortilège, elle est la coupable de nos malheurs.

Le pauvre homme sanglotait. Il reprit de plus belle :

-Nos enfants vont bientôt être atteints par le Mal, le relent est insupportable et nous rend fous, cet envoûtement nous tuera… partez avant qu’un malheur n’arrive. Décampez… Partez loin… ne revenez jamais ! supplia-t-il en tombant à genoux implorant.falaise_2

La multitude à cet instant s’avança vers eux, violente. Pécheron, effrayé et voulant protéger sa famille, regarda autour de lui, cherchant un regard amical parmi les villageois. Pas un… pas une âme compatissante à son secours. Il faut fuir, pensa-t-il, serrant plus fort la famille acculée au bord de la falaise. Mais où ?

Devant eux les villageois armés et derrière leur dos le ravin où, au fond, les vagues se fracassaient contre les rochers. Quand il se retourna vers l’horizon, tenant toujours sa femme dans ses bras, un chemin de lumière se déroula au dessus du vide menant à des rails étranges posés sur une jetée de pierres, semée de galets.

Un chariot à voile s’avançait vers eux, roulant silencieusement sur ce chemin ferré qui se perdait à l’horizon dans la brume et les embruns. Sentant tout à coup une paix immense remplir son cœur et son corps tendu, Pécheron songea en regardant le château qui se perdait dans le paysage vaporeux qui s’offrait à sa vue, que s’il y avait une réponse, c’est là qu’ils la trouveraient.

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C’est alors qu’il prit sa femme par la taille, qu’il ordonna à ses enfants de s’accrocher à sa redingote et qu’il se jeta dans le vide, gonflé de son précieux fardeau, pour aller se poser doucement quelques secondes plus tard sur le chariot qui semblait les attendre.

Après un moment, comme un rêve qui se dissipe, le père ordonna à son aîné de prendre le timon et les ficelles de la voile, pour initier ainsi leur marche vers le futur.

Ils roulèrent pendant quelques heures. La falaise avait disparu derrière un rideau cotonneux. Ils avaient cependant l’étrange sensation que plus ils avançaient, plus le château s’éloignait dans le lointain.
               
Ils se retrouvèrent au milieu d’un néant infini dont le silence sifflait à leurs oreilles, avec la conviction irrémédiable qu’il fallait avancer puisque la grâce et le bonheur retrouvés se trouvaient « là-bas ». Ils roulaient maintenant depuis tellement longtemps que Patie et les enfants sentaient de plus en plus l’air glacial qui s’infiltrait sous leurs vêtements. Ils avaient faim, ils avaient peur, ils avaient froid.
Airi grelottait tout en tenant fermement le timon pendant que Travis commençait à pleurer doucement.

galeonSoudain une silhouette sembla se dessiner dans la brume épaisse. La famille aux aguets perçut un bruit sec qui leur était familier, le bruit des vagues frappant la coque d’une embarcation. Une forme majestueuse se fit plus précise. Un énorme cargo s’approchait. La famille regarda ce monstre magnifique s’acheminer vers eux, tellement incrédules de cette vision inconcevable qu’ils en oublièrent d’avoir peur.

Le bateau pirate – un oripeau noir orné d’une tête de mort flottant dans le vent permettait de l’identifier - accosta doucement le long de la jetée, à la hauteur du chariot où les occupants n’osaient à peine respirer dans l’attente de la pire des catastrophes.ancla_2

Après quelques minutes d’un silence assourdissant, Pécheron commença à crier pour attirer l’attention d’éventuels navigateurs, mais surtout pour se donner des forces, au son de sa propre voix. Le silence répondit aux appels du père. Nouveaux cris …rien.

Le bruit mouillé d’une ancre, plongeant dans l’eau pour s’enterrer dans le sable, sembla répondre soudain aux signaux des enfants qui s’étaient levés et gesticulaient comme des marionnettes. Tout à coup une échelle de corde ondula le long de la coque, se déployant comme un serpentin lancé par des mains invisibles et vint se poser sur le bord du chariot.

Après quelques hésitations et encouragé par le regard implorant de sa femme, jusque là indifférente, Pécheron attrapa le premier barreau de l’échelle et se hissa en trébuchant le long de l’enveloppe du bateau pour savoir une fois pour toute si cette apparition miraculeuse apporterait réconfort ou glissement définitif dans le drame qui semblait les poursuivre.

Peur et curiosité accompagnèrent sa progression jusqu’au sommet de l’échelle, sous le regard anxieux de la famille. Quand il eut atteint le bastingage, il examina les alentours quelque instants… le pont était désert. Il pouvait percevoir le même silence oppressant qu’auparavant.

Il décida d’enjamber la rambarde qui encerclait le pont. Il avança, attentif au moindre bruit, discernant dans son corps une anxiété nouvelle, atténuée toutefois par l’idée que s’il avait dû être attaqué, ce serait déjà fait.

La paix environnante du bateau l’encouragea à continuer sa marche, dans l’espoir de soulager du froid et de la faim sa famille en danger.adorno_mesa

Il franchit quelques marches grinçantes vers ce qui semblait être une soute et découvrit un immense salon à la décoration somptueuse. Il eut l’étrange sensation que la salle était « habitée », et que des hôtes allaient apparaître d’un moment à l’autre ou qu’ils venaient juste de se dissimuler.

brindisUne grande salle à manger occupait le milieu des soutes où trônait une vaste table ronde, recouverte d’une nappe immaculée couronnée d’une fine broderie de Bruxelles. Une délicate vaisselle en porcelaine fleurie de Limoges tel un bouquet doré enrubanné et des couverts en argent massif trônaient devant des verres en fin cristal du meilleur Baccarat qui reflétaient la lueur des lustres du plafond en bois de cèdre.

Il s’étonna de tant luxe délaissé. Quand il se retourna, il découvrit un long buffet plein de victuailles d’une savoureuse opulence disposées en une présentation exquise et d’où émanait un arôme merveilleux.  torta_1
                  
Pécheron, craintif, s’approcha de la table sur la pointe des pieds, savourant des yeux les mets exquis, pour la plupart inconnus de lui, encore incrédule face à ce qu’il voyait. Revenu enfin de sa surprise, il décida, hardiment cette fois, de goûter un des plats, non pas poussé par le faim mais pour protéger sa famille d’un possible empoisonnement, comme pour prévenir d’un maléfice renouvelé de la mauvaise fée qui avait envenimé les profiteroles, aux dires de sa femme.

Après avoir parcouru de bouchée en bouchée la plupart des aliments, il guetta son corps quelques minutes, à l’écoute de possibles effets nocifs. Comme aucun signe ne se manifestait, il remonta les escaliers quatre à quatre pour atteindre le pont et partager la bonne nouvelle et sa joie revenue. Se penchant au dessus de la rambarde, il cria de tous ses poumons vers sa famille inquiète qui, les yeux écarquillés dans le noir, priait pour le retour du père.

Revenus de leur frayeur, mère et enfants commencèrent à escalader l’échelle qui se balançait dans le vide pour finalement atteindre la rambarde. Airi et Traviss sautèrent par-dessus d’un bond léger tandis que Patie l’enjamba avec difficulté, empêtrée dans ses jupons. Ils se jetèrent dans les bras vigoureux du père et le suivirent en silence jusqu’à la salle à manger.

pollo_2Ils n’en croyaient pas leurs yeux : le luxe qui les entourait, les arômes qui flottaient dans l’air, chatouillant leurs narines, la vue des mets gourmands, une singulière sensation de tourbillon les avaient transportés dans un monde magique. Un étrange émoi les accompagnait… la mémoire perdue un instant et retrouvée tout à coup. Ils longèrent le buffet, contemplant les plats sans oser y toucher, malgré la faim qui écorchait leur ventre. Pécheron les invita, d’un geste ample et protecteur à se servir, leur expliquant qu’il avait déjà tout goûté.

Les enfants s’approchèrent doucement vers les desserts et les friandises qui brillaient dans leurs coquilles dorées. torticas

Petits fours tels des gâteaux miniatures, bonbons de toutes les couleurs, biscuits de toutes formes, tartelettes aux fraises, aux mûres, aux abricots, stollen succulent, gâteau noir aux fruits confits écarlates, conserve de papaye jaune, fraisier rose, brioche à la crème, babas au rhum débordant de sirop ambre, entouraient une longue bûche de Noël à la praline sur laquelle de petits nains en figurine s’affairaient à couper des branches de pins ou cueillir du houx.

Prenant chacun délicatement entre leurs petits doigts sales la friandise choisie avec soin, Airi et Traviss la portèrent doucement à leur bouche, la savourant gravement comme s’ils étaient les juges d’un festin envoûté. La mère les regardait ahurie, où étaient les enfants gloutons qu’elle avait toujours connus ?

buche_noel_2Le regard des bambins se posa alors sur la bûche de Noël qu’ils n’avaient pas distinguée jusqu’à maintenant et, haussant la vue, ils découvrirent des guirlandes de boules dorées, des petites lumières resplendissantes qui se balançaient et des volutes de minuscules étoiles qui scintillaient joyeusement.

Les gamins laissèrent tomber les gâteaux de leurs doigts poisseux et se précipitèrent en criant de joie vers ce rayonnement féerique. Un immense arbre de Noël se dressait majestueux devant eux, au pied duquel on pouvait distinguer des paquets de toutes tailles et formes, enveloppés de papier de couleurs vives, ceints de rubans aux nœuds écarlates.

La pointe de l’arbre se perdait à l’infini et l’étoile étincelante qui arbol_de_navidad_2brillait à sa cime se confondait avec les astres scintillants qui illuminaient la nuit azurée au dessus de leurs têtes.

Les parents se retournèrent aux exclamations ravies des bambins admirant étonnés le spectacle de l’arbre enchanteur sans s’étonner que le firmament eut remplacé le toit de cèdre précieux.

regalo_1Le père ne s’expliquait pas comment un tel spectacle avait pu lui échapper auparavant. Ils s’approchèrent du sapin et c’est alors qu’ils découvrirent que tous les cadeaux portaient leurs noms. Ils s’apprêtaient à les ouvrir quand tout à coup le père réclama le calme d’un geste de la main.

Tout redevint silence. Des murmures indistincts et des froufroutements de vêtements de soie se distinguaient au loin. La famille était à l’écoute de ces bruits étranges, mais sans frayeur cette fois. Une regalos_2immense paix avait ravi leur cœur. Au loin, des silhouettes se dessinaient, des lignes aériennes et silencieuses s’approchaient d’eux. Une bouffée vaporeuse que la famille ne pouvait distinguer clairement virevoltait devant eux.

-Qui êtes-vous ? s’exclama le père d’une voix forte.

Les silhouettes s’immobilisèrent puis l’une d’elle, éthérée, reprit son mouvement léger et s’approcha. Le père répéta sa question d’une voix ferme et ajouta :

- Si nous ne devions pas toucher à la table, nous en sommes désolés.

image018La silhouette se déplaça doucement et, avec des gestes dansants et mélodieux, se mit à dessiner dans l’espace des lettres qui ondulaient délicatement : « Cherchez le clef… » - Les mots se déplaçaient poussés par un souffle mystérieux - « Ouvrez la porte… » - les lettres s’effaçaient rapidement, d’autres se dessinaient - « Trois miroirs… le passage… au château…» 

Patie tenait Airi et Traviss par la main, le père s’était approché des nuages vaporeux pour mieux en interpréter les messages.  Airi, de sa voix menue, déchiffrait chaque syllabe au fur et à mesure où elle apparaissait, se diluant presque aussitôt après. Les silhouettes disparurent saisies par la fine brise. Traviss, qui était resté muet jusqu'à maintenant, commença à pleurnicher :

- Moi d’abord j’ai peur, et puis je veux manger des gâteaux… et pourquoi onadorno_navidad_2 n’ouvre pas aussi les cadeaux ? Je veux rentrer à la maison.

Les parents, encore stupéfaits, se regardèrent sans bien comprendre ce qui se passait. Tout à coup, Airi brisa le silence et s’exclama d’une voix ferme :

-  Il faut suivre la consigne des messages, mais surtout nous ne devons pas ouvrir les cadeaux, c’est un piège ! 

Le petit garçon entraîna la famille ahurie vers la table aux mets entamés et se dirigea directement vers la bûche et, après quelques hésitations, cherchant quelque chose des yeux, il détacha une clef en nougat du tronc, clef que personne n’avait remarquée jusqu’à maintenant. Les parents étaient de plus en plus abasourdis mais résolus à faire confiance à leur fils… « Nous n’avons rien à perdre », pensa le père.

image020Pendant ce temps Traviss s’était détaché du groupe et était retourné vers la table des friandises puisqu’on lui avait défendu de toucher aux cadeaux. Clef en main, brandie devant lui comme un bouclier qui semblait le protéger, Airi se dirigea sans hésitation vers l’une des quatre portes à battants, que personne n’avait aperçue jusque là car elle était dissimulée derrière un lourd et épais rideau  de velours grenat. 

La grande porte, semblant obéir à un ordre mystérieux de la clef, s’ouvrit devant lui, colossale. Un large salon se déploya sous les yeux du gamin qui, sans marquer aucune surprise, se retourna pour héler ses parents et son grand frère. Ils s’approchèrent, telle une grappe craintive.
       
Une longue pièce dénudée mais violemment éclairée s’ouvrait devant eux. Ils remarquèrent très vite une grande quantité de miroirs qui se dressaient comme autant de pièges menaçants.

Airi, qui était entré le premier, vit son image se refléter à l’infini. Celle de sa famille, un peu à l’arrière s’était multipliée par cent, par mille… sauf dans l’un des miroirs placé un peu à l’écart qui, contrairement aux autres, ne reflétait que son image, petite figure timide et résolue à la fois. alfombra

Il comprit, sans trop savoir pourquoi que le passage au château, l’issu qui les conduirait vers l’espoir, se dressait devant lui. Il s’approcha de la psyché et sans hésiter le traversa, sommant sa famille de le suivre, d’un geste ferme de sa petite menotte. Ils s’engagèrent dans un long couloir sombre au fond duquel une petite lueur scintillait furtivement, leur indiquant le chemin. Quand ils atteignirent le bout du couloir, un long tapis suspendu dans le vide, comme un  nuage de toutes les couleurs, se déroula nonchalamment devant eux.

Au moment où Airi y posa son petit pied celui-ci commença à onduler doucement. Le petit garçon se retourna vers ses parents en leur souriant, les invitant à monter sur cette nacelle improvisée qui devait les mener, pensait-il sûr de lui-même, vers ce lieu inconnu souhaité par tous…  autre lieu… autre temps.

Le tapis se déplaça alors, traversant des nuages ouateux, survolant des îles inconnues et frôlant de grands oiseaux bigarrés, jusqu’à ce qu’apparaisse le château imposant et majestueux, avec ses donjons, son chateaupont-levis et sa cour d’armes. Le tapis se posa délicatement sur le rebord du donjon le plus élevé et, ondulant comme un serpent à sonnettes, se transforma en un escalier exigu mais juste assez large pour accommoder le pied botté du père.

Une fois dans le donjon, la famille descendit l’escalier en colimaçon aux quatre cents trente neuf marches – Traviss les compta – pour se retrouver, éblouie par un soleil radieux, à l’entrée de la cour d’armes qui s’étendait devant elle, bien différente de ce qu’elle avait aperçue du haut de son tapis volant.

Une armée de petits elfes, habillés de vêtements colorés et couronnés de grands chapeaux pointus, était occupée, dans une sorte de ballet frénétique, à organiser des colis de noël par taille ou par couleur, papier rouge, vert, doré, lisse ou multicolore. Les lutins ne se rendirent tout d’abord pas compte de l’arrivée du groupe.des_elf

Père, mère et enfants s’étaient immobilisés sur le seuil de l’étroite porte de la tour, surpris et émerveillés de ce spectacle féerique. C’est à ce moment-là que Patie distingua, avant tout le monde, que leurs habits s’étaient transformés en vêtements de fête aux tissus soyeux et somptueux.

Emerveillés du spectacle qui s’ouvrait devant eux, ils sentirent pour la première fois depuis leur exode, qu’un havre de paix était peut-être encore possible. Tout à coup, les elfes s’immobilisèrent et se rangèrent comme des petits soldats de plomb de toutes les couleurs et un profond silence s’empara de la place, succédant au joyeux brouhaha.
                   
Un personnage imposant fit une entrée théâtrale, digne de son allure, haute silhouette dressée dans l’embrasure d’une majestueuse porte sculptée en bois des tropiques. Le père Noël, car c’était  bien  lui,  s’avança  lentement  vers  les  petits  soldats  en  rangs impeccables.  Son long esmeralda
manteau bleue, aux fines broderies d’or soulignées de pierres précieuses, rubis, perles et émeraudes, battait ses chevilles qu’il avait nues dans des mocassins de cuir de chevreau souple comme une deuxième peau.

santa_moderno_1Il s’agissait d’un jeune homme svelte, au visage couleur cannelle, illuminé par deux grands yeux malicieux d’un vert scintillant comme les émeraudes qui parsemaient son vêtement. Sa chemise de soie immaculée s’ouvrait sur une poitrine virile et bronzée où reposait une chaîne en or massif ornée d’une étonnante émeraude qui reflétait toute la place d’armes avec ses elfes toujours en rangs impeccables, tel l’œil écarquillé d’un poisson magique. Son pantalon noir en velours côtelé et ses longs cheveux châtains qui ondulaient sur ses épaules lui donnaient une allure d’intellectuel que le savoir avait rendu sage. La petite famille était  bouleversée par tant de merveilles et de paix après tant de douleur et de désespérance.

Une lumière particulière envahit la place dont la douceur atteignit mystérieusement père, mère et enfants.

Après de longues minutes immobiles, ils osèrent enfin s’approcher du père Noël –  les enfants n’avaient jamais eu de doute sur son identité –  qui s’aperçut de leur présence mais ne marqua aucune surprise. Les petits soldats s’éparpillèrent comme des oiseaux et vinrent se poser sous les regards ahuris d’Airi et de son frère.

La mère, sans savoir d’où sortaient tant de paroles subites, commença à mujer_exclamandoraconter leur triste aventure… la pâtisserie, la vilaine fée, les profiteroles, l’incendie, le village en furie, la longue traversée, le navire fantôme, l’arbre de Noël, les miroirs magiques, le tapis volant et finalement leur arrivée au château … les mots jaillissaient en vrac, ondulaient, sautaient d’une oreille à l’autre, s'insinuaient sous le manteau vert scintillant, ressortaient pour se perdre dans les nuages. Sire Noël écoutait tranquillement, d’un air bienveillant sans marquer d’étonnement, comme s’il connaissait la fin de l’histoire. Peut-être la connaissait-il en effet ?

Quand le flot de mots se tarit, Patie s’appuya contre le mur rugueux de la tour, complètement extenuée. Noël prit alors la parole d’une voix douce et ferme à la fois :

-Si vous croyez à l’esprit de Noël, vous êtes arrivés à bon port. D’ailleurs je vous attendais. 

flaconSa main s’enfonça dans la poche profonde de son manteau d’émeraude. Les enfants pensaient que son bras allait disparaître dans cette grotte en tissu quand la main reparut tenant entre le pouce et l’index une petite bouteille de verre transparent que Monsieur Noël leva en murmurant quelques mots incompréhensibles.

A l’intérieur, une poudre opaline brillait sous le soleil, la silhouette du flacon se détachant sur le pantalon noir.

- Le Temps est important, il anticipe la joie, il guérit les blessures, il nous renvoie à notre point de départ, saturé de force et désirs -  murmura le gentilhomme.gente_bailando

A ces mots, l’émeraude qui trônait au milieu de la poitrine du père Noël lança des éclairs accompagnés d’un faible bourdonnement qui fit place à de joyeuses voix familières. Un paysage se dessina dans la pierre verte faisant chanceler Pécheron. C’était bien ça… vraiment pas de doute…  leur village bien aimé… une rue animée où la joie était revenue se percevait à travers la vitre verte.

grupo_en_rueda- Formez un cercle et prenez-vous par la main ! ordonna Noël d’un ton réjoui.

Ils se rangèrent aussitôt en un cercle joyeux.

-Fermez les yeux, percevez la joie qui s’empare de votre cœur, ne laissez pas vos pensées scruter le passé, « confiance et paix aux hommes de bonne volonté », prononça Noël d’une voix qui était  maintenant toute proche.

Patie sentit à ce moment-là que l’on séparait sa main de celle de son fils pour y placer la petite fiole de poudre blanche. Une voix susurra à son oreille « je profiterole, tu profiteroles, il ou elle profiterole, nous pro…» à la manière d’une comptine enfantine.

L’ambiance de l’échoppe était gaie et les clients chaleureux, on percevait beaucoup de joie et de bonté dans l’air. Patie était derrière le comptoir contemplant avec ravissement tout ce joyeux brouhaha : les villageois qui riaient la bouche pleine, les enfants qui couraient entre les jambes des adultes, la grand-mère au doux regard appuyée sur sa canne.

Une paix aux fragrances étranges emplissait le cœur de la pâtissière. Elle campana_pensait à Pécheron et aux enfants, là-bas sur la falaise, sa famille, son bonheur. Il lui semblait revenir d’un long voyage, elle était fatiguée, heureuse mais fatiguée, sans en comprendre la raison. Une vieille femme, à l’allure voyageuse, apparue comme par magie, la tira de ses songes. Elle était habillée d’un long manteau pourpre qui faisait penser aux majestueux rideaux du château qui s’élevait dans le lointain. Son visage reflétait de tristes et sombres sentiments comme si un grand malheur allait arriver.

Patie se dirigea vers elle avec un sourire engageant :

la_fee_maligne-Bonjour, Madame, quelle belle pèlerine, vous avez là ! Etes-vous de passage ? Voulez vous quelque gâteau pour fêter votre arrivée dans notre joli et aimable village ?

La vieille fée avait répondu avec un petit rire hypocrite qui sonnait comme une cloche fêlée.

-Merci, belle dame pâtissière, je vais en effet goûter une de vos succulentes profiteroles baignées de chocolat chaud.
Mais puis-je aussi quérir la raison de si joyeuse célébration ?

La pâtissière avait répliqué avec étonnement :

- Aucune, ma bonne ne dame, c’est dans notre nature d’être heureux.

La pâtissière se dirigea vers l’étale où elle choisit la meilleure profiterole, rondeur alléchante recouverte d’un chocolat épais et moelleux. Une étrange comptine avait jailli de ses lèvres au moment de saisir le gâteau dodu - « Je profiterole, tu profiteroles, il ou elle profiterole -  nous… », comptine qui tournait dans sa tête en une joyeuse ritournelle. Sans savoir vraiment ce qu’elle cherchait, elle mit la main dans sa poche flaconet en sortit un flacon de cristal rempli d’une poudre d’un blanc scintillant. Elle l’ouvrit  machinalement et saupoudra la profiterole de son contenu neigeux puis tendit le chou à l’aïeule.

La vilaine fée avait commencé à dévorer le délicat petit chou de ses dents pointues quand le chocolat jaillit violemment, coulant le long de ses doigts. Cela la fit rire aux éclats, ce qui illumina un beau visage qu’on avait cru laid, fit briller des yeux qu’elle avait d’un étonnant vert émeraude et permit de découvrir des dents qui, après tout, n’étaient pas si pointues.

Son corps qui décidément n’était pas si tordu se redressa et ses vêtements qui somme toute n’étaient pas si démodés se teignirent d’un blanc crémeux et ses pieds qui n’étaient pas si cagneux se chaussèrent de mules dorées et de sa voix, qui n’était pas si irrémédiablement fêlée, elle appela les enfants qui accoururent se dorloter dans la douce étoffe de son jupon immaculé.

image041La Mamie Noëlle, que tous les enfants maintenant connaissent et attendent avec impatiente chaque nuit de Noël, était apparue ce jour-là pour la première fois à la grande joie des petits et des grands. Elle resta dans le hameau jusqu’à Noël et pendant ces sept mois et demi elle vécut chez l’un puis chez l’autre, car les enfants se la disputaient. Elle disparut le lendemain de Noël sans dire adieu.

Curieusement, les villageois n’étaient pas tristes, ils savaient…ils savaient quoi ? Ils ne savaient pas ce qu’ils savaient…mais ils le savaient. Et ils fuegos_artificialesavaient raison car onze mois, vingt trois jours et vingt heures plus tard, elle revint, sa large cape blanche volant au vent d’hiver, une hotte sur le dos, chargée de cadeaux pour les bambins du village et un petit flacon blanc dans sa petite main gantée d’argent.

Elle était revenue, la Mamie Noëlle de tous et chacun, celle qui distribuait paquets enrubannés et colis de toutes les couleurs, celle qui répandait autour d’elle une poudre de flocons blancs, petites perles de bonheur. Poudre qui une fois l’avait fait rire, illuminant à jamais son triste visage, poussière miraculeuse qui embellissait la ville, la vie et apportait douze mois de paix et de bonheur chaque année.

Fin

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C
salut mes amis.
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